Après 14 années passées à la direction générale de Guichon Valves, le chef d’entreprise se lance dans une nouvelle aventure dédiée au coaching de dirigeants et d’organisations.
Quel est votre parcours ?
J’ai commencé ma carrière dans une société informatique sur Paris, mais je voulais surtout travailler à l’international. Je suis arrivée en Haute-Savoie en 1990 pour intégrer le groupe SNR. Au-delà de l’aspect professionnel, une de mes grands-mères était originaire du Chinaillon et j’adorais la montagne.
Dans quelles circonstances avez-vous repris Guichon Valves ?
Par contact. L’entreprise dont le dirigeant, Alain Gonthier, venait de décéder, cherchait un repreneur. Moi, je voulais reprendre une entreprise car, quitte à travailler beaucoup, autant que je puisse récolter les fruits de mon travail et mettre en place la meilleure stratégie, tant dans les orientations que dans la politique ressources humaines. Je connaissais les métiers de la mécanique et de l’industrie, le marketing B to B et le commerce international. J’ai exporté et voyagé dans plus de 75 pays. Je me disais qu’en évitant les erreurs que j’avais vues dans d’autres entreprises et en impliquant les équipes, en faisant le pari de la confiance, je devrais m’en sortir.
Quelle était la situation de Guichon Valves lors de la reprise ?
Ce spécialiste de la robinetterie industrielle employait 38 personnes pour un chiffre d’affaires de 3.2 millions d’euros. C’était une entreprise qui déposait le bilan tous les 8 ans et dont les locaux, les outils, étaient complètement obsolètes. Quand je suis arrivé, il y avait un seul micro-ordinateur et le sol de l’atelier n’était pas plan. Compte tenu des difficultés rencontrées, les équipes avaient pour habitude de se débrouiller avec un minimum de moyens. Je me suis un peu engagé la fleur au fusil, rétrospectivement tous les paramètres auraient dû nous conduire à un dépôt de bilan.
Guichon Valves, qui avait été repris à la barre du tribunal, était en perte et n’aurait pas supporté un nouvel exercice déficitaire. La reprise d’une société, c’est un peu comme un mariage. A un moment donné, il y a une sorte d’élan, on y va et on signe.
Quelle a été votre stratégie ?
Le processus pour redresser une entreprise qui est structurellement en difficulté est très long. J’ai suivi la voie initiée par Alain Gonthier dont l’analyse était très pertinente. La priorité était de redévelopper le réseau d’agents à l’étranger, notamment en Asie, une zone que je connaissais bien, afin de booster le chiffre d’affaires et de retrouver l’équilibre financier. C’est ce qui s’est passé en 2005 où nous avons dégagé 5 millions d’euros de chiffre d’affaires et un résultat bénéficiaire. Depuis nous n’avons pas cessé d’être profitable, de manière modeste certes, mais continue.
Quelles ont été les étapes suivantes ?
Une fois les ventes rétablies, nous avons réinvesti dans l’outil industriel et le bureau d’études. Il me semblait important de ne pas externaliser l’aspect production pour garder le savoir-faire de la maison. La présence d’un bureau d’études à côté de l’atelier permet par ailleurs de mieux concevoir, puis de prioriser les commandes pour être réactif sur les clients stratégiques. C’est un atout important compte tenu des niveaux de pénalités appliqués en cas de retard dans certaines affaires. En 2007, Guichon a déménagé et s’est implanté à Chambéry.
Pourquoi ce déménagement ?
Nous étions vraiment installés dans un bouge, au fond d’une impasse derrière la gare d’Aix les Bains. A l’entrée, il y avait un hygiaphone devant lequel les visiteurs étaient invités à parler. Ce déménagement a redonné de l’espace à l’entreprise mais aussi un sentiment de fierté pour l’ensemble du personnel face aux réactions des fournisseurs, des clients et des partenaires.
Vous avez également engagé Guichon dans une politique RSE. Comment cela s’est-il concrétisé ?
Nous avons travaillé sur beaucoup d’aspects : la diversité, puisque nous avons été la première entreprise en Savoie à signer la charte de la diversité ; l’ISO 14000 pour l’environnement ; l’OHSAS 18000 pour la sécurité, l’ISO 9001 pour la qualité ; et finalement nous nous sommes auto-certifiés en ISO 26000 (RSE) voici 4 ans. Toutes ces actions ont permis de d’enclencher un cercle vertueux. Puis nous nous sommes intéressés aux fondamentaux du management, en nous appuyant sur des valeurs et des principes. En mettant en place un pilotage par le sens, un partage du bénéfice via différents accords de participation et d’intéressement, on influe naturellement sur la motivation personnelle, l’envie d’aller travailler avec le sourire. Après cela, nous avons investi dans l’agrandissement de notre bâtiment, d’espaces de bien-être ouverts également à des extérieurs (clients, fournisseurs et autres) ainsi que la création d’une salle de mindfulness (méditation pleine présence).
Pourquoi ces démarches en faveur du bien-être au travail ?
A un moment donné, il est important de toucher à des motivations plus profondes que la seule fabrication de vannes. Comment amener plus de sens dans son travail ? Comment créer les conditions pour que chacun souhaite développer ses talents et les mettre en œuvre dans l’entreprise ? D’après moi, c’est tout l’enjeu. Et ce n’est pas une posture, une fois de plus, il y a le pari de la confiance, d’aller vers quelque chose de plus grand et de goûter au plaisir du ‘faire ensemble’. Les changements auxquels nous aspirons à titre personnel viennent impacter l’organisation et réciproquement l’organisation va nous faire bouger : c’est aussi l’un des enjeux de la gouvernance partagée où il faut apprendre à répartir le pouvoir.
Pourquoi un management collaboratif ?
Il est difficile pour un dirigeant de tenir seul la barre et de ne pas pouvoir échanger sur la stratégie, les décisions à prendre. Dès 2010, j’ai mis en place un comité de direction qui a ensuite évolué vers une gouvernance partagée autour d’une équipe soudée de six codirigeants. Novatrice dans le secteur industriel privé, cette organisation constitue pour moi une réponse à la complexité du monde, à l’incertitude de nos marchés et aux exigences de réactivité de notre activité. Elle encourage l’autonomie et la responsabilité de chaque salarié, quels que soit son poste et son niveau hiérarchique. Elle favorise la paix économique à laquelle nous aspirons tous.
Fin 2015, vous décidez de céder le capital de Guichon Valves au groupe Valco. Comment s’est passée la transition ?
Elle a été longue, puisqu’elle a duré 18 mois afin que l’état d’esprit mis en place puisse perdurer. J’ai quitté la direction générale de Guichon en juillet dernier et je suis encore consultant pour le groupe. Valco est l’actionnaire, mais il laisse une totale autonomie de fonctionnement à l’entreprise.
Quelle est votre plus grande fierté ?
Les emplois créés, puisque Guichon compte aujourd’hui 85 salariés en France. Nous avons aussi redonné ses lettres de noblesse à une entreprise quasi centenaire qui s’impose comme le numéro un mondial de la vanne sur mesure, innovant et exportant à plus de 85%. Nous faisons partie des rares entreprises capables de fabriquer en France pour vendre en Chine, notre plus gros marché. Notre chiffre d’affaires 2016 a atteint les 11 millions d’euros avec, pour la douzième année consécutive, un résultat net positif. Le résultat financier est, à mes yeux, plus une conséquence qu’un objectif. Il prouve que, loin de s’opposer, la performance économique, le bien-être des salariés et le respect de l’ensemble des parties prenantes peuvent s’inscrire dans une même intention : celle de la réussite collective.
A contrario, avez-vous des regrets ?
Peut-être celui de ne pas avoir fait progresser plus vite le chiffre d’affaires. Mais je préfère une croissance continue, durable et responsable à un développement trop rapide. J’aurais aussi aimé réussir à embarquer la totalité des salariés dans cet enthousiasme et ce partage collectif.
Vous lancer aujourd’hui ORA Développement et la marque Sagarana. De quoi s’agit-il ?
J’ai vécu il y a une trentaine d’années en Amazonie, au sein d’une tribu d’indigènes qui avait été chassée et relocalisée sur un site baptisé Sagarana.
C’est le nom que j’ai choisi pour faire du coaching en direction des organisations et des dirigeants sur les aspects performance / bien-être et gouvernance. Une partie de mon temps est également consacrée à du management. L’activité a très bien démarré sur Lyon, Grenoble, Annecy, Bourg en Bresse et Paris.
REPERES
- Né en 1963 à Rouen
- Formé à l’Ecole de Management de Normandie
- Arrive en 1990 en Haute-Savoie comme responsable export de SNR. Reste 8 ans dans le groupe dont il deviendra au bout de 4 ans responsable du grand export.
- Intègre en 1998 comme directeur export le groupe Tivoly où il se charge du développement international
- Reprend Guichon Valves en 2003
- A présidé le Critt 73 pendant 6 ans
- A été vice-président du réseau Entreprendre Savoie et l’agence économique de Savoie
- A été membre du bureau du centre des jeunes dirigeants
- Elu à la chambre de commerce et d’industrie de la Savoie et d’Auvergne Rhône Alpes, administrateur du Cetim CTDEC à Cluses et vice-président de Profluid (Fédération des industries mécaniques).
Eco Savoie Mont Blanc – 8 septembre 2017